Traditions de canotage
L'histoire des embarcations traditionnelles
est riche et diversifiée. Bien avant l'arrivée des Européens sur le nouveau
continent, le canot et le kayak comptaient parmi les moyens de transport les
plus importants au Canada. Avant l'immigration européenne, presque tous les
groupes des Premières nations d'Amérique du Nord employaient le canot ou le
kayak pour leur survie, leurs déplacements et le commerce.
L'emploi qu'on faisait du canot ou du
kayak en déterminait le profil. Autrement dit, la forme de l'embarcation était
tributaire de sa fonction. Ceci se vérifie pour chacun des types
d'embarcation employés au Canada : qu'il s'agisse du kayak à pont fermé
glissant dans les eaux glaciales du Nord, des immenses pirogues de mer de la Côte
Ouest ou du canot en écorce navigant sur les grands lacs et rivières du
pays. Les matériaux disponibles et les conditions locales en dictaient la
forme, et les techniques et les traditions culturelles des constructeurs
imprimaient un caractère unique à chaque embarcation. Les canots et les
kayaks étaient habituellement construits pour la chasse, la pêche, le
commerce, le transport, la guerre, offerts comme présents ou employés dans
des rituels.
Les pagayeurs devaient faire preuve de
force et de vitesse. Chose intéressante à noter, il s'agit précisément des
qualités recherchées pour les régates. Il est donc tout naturel que les
formes traditionnelles d'embarcations autochtones aient servi à des fins tant
fonctionnelles que récréatives. Les photographies d'archives contenues dans
les présentes pages illustrent les traditions de la régate dans les régions
septentrionales d'Amérique du Nord.
L'Amérique du Nord est un continent
unique pour ses lacs, ses rivières, ses fleuves, ses côtes, et le canot,
quelle qu'en soit la forme, sait répondre aux défis de l'environnement. La
forme du canot révèle la région d'origine qui, elle, recèle des étendues
d'eau particulières et des matériaux donnés pour la construction des
embarcations. Chaque type de canot est donc adapté aux défis que posent
l'environnement, la topographie et les besoins des utilisateurs.
Fabriqué avec des matériaux trouvés dans le milieu environnant, le kayak
est un symbole du lien culturel avec la terre et l'eau. Le kayak était
traditionnellement construit avec une armature en bois qui, elle, était
recouverte de peau de phoque ou de caribou, selon la région. Au nord de la
limite forestière, l'armature était fabriquée avec des morceaux de bois
trouvés et du bois de grève. Peu importe la région d'origine, le kayak à
armature de bois recouverte de peau est une embarcation aux lignes pures
construite surtout pour la chasse : narval, morse, phoque, caribou,
oiseaux et poissons, notamment. Les outils du chasseur sont fixés sur le pont
du kayak et, donc, facilement accessibles.
Le kayak traditionnel à armature couverte de peau était construit avec une
armature de bois maintenue en place au moyen de corde de peau de phoque ou de
tendon de caribou. Les peaux étaient cousues ensemble au moyen de corde de
cuir brut à l'épreuve de l'eau. La construction d'un kayak était souvent
l'affaire de toute la collectivité : les hommes construisaient
l'armature et les femmes préparaient les peaux et les tendaient sur
l'armature.
Des pagayeurs montés dans des pirogues salish de la Côte rivalisaient de
vitesse pendant des festivals d'été au XIXe siècle ;
aujourd'hui, ils continuent de se faire concurrence. Simon Charlie, maître
sculpteur salish de la Côte, originaire de Cowichan Bay
(Colombie-Britannique), a sculpté le très long « Bluebird » .
Cette pirogue provient d'un seul tronc de cèdre rouge de la Côte Ouest.
Mesurant 1.73 mètres (53 pi et 8 po), c'est l'embarcation la plus longue de
la collection du Musée canadien du canot. Dix pagayeurs et un timonier
propulsaient le Bluebird. Toute une légende entoure ce formidable canot et on
dit que le Bluebird n'a jamais perdu une régate. Sa dernière course remonte
à environ 1970.
Dans les localités le long des côtes canadiennes et américaines, les régates
de pirogues attirent des milliers de spectateurs chaque fin de semaine de mai
à septembre.
Les peuples salish de la Côte habitent
les régions côtières et les régions adjacentes à la côte en
Colombie-Britannique et dans l'état de Washington. Ici, des fleuves et des
rivières immenses, des estuaires paisibles, des topographies et un climat
distincts fournissent des ressources en abondance. Les pirogues des peuples
salish de la Côte reflètent bien leurs besoins : de l'embarcation de pêche
à la palourde aux grandes pirogues de guerre pouvant aller en mer. Les
embarcations sont essentielles à la vie des Salish de la Côte. - Pour plus
de renseignements, voir Régates
de pirogues salish de la Côte - L'union fait la force.
Les canots en écorce de bouleau sont associés aux régions du centre et du
sud-est du Canada et du nord-est des États-Unis. Les matériaux employés
pour la construction de ces embarcations étaient abondants dans le milieu où
vivaient les constructeurs des Premières nations. L'écorce de bouleau
recouvre la coque de l'embarcation ; on cousait les morceaux ensemble au
moyen de fils de racines d'épinette et on utilisait de la gomme d'épinette
pour imperméabiliser le canot. La forme du canot, comme celle des autres
types de canot, est dictée par les besoins - navigation sur les
lacs, sur les côtes et sur les rivières ou pour des déplacements sur des
eaux calmes, impétueuses ou rapides. La forme et les fonctions des canots en
écorce de bouleau varient beaucoup. C'est au profil de la poupe et de la
proue qu'on reconnaît la région d'origine de l'embarcation.
Le canot en écorce de bouleau traditionnel illustre à quel point les
constructeurs connaissaient bien les matériaux régionaux et démontre l'ingénuité
remarquable de leurs techniques de fabrication. Ces canots convenaient
parfaitement à la chasse, à la pêche et aux déplacements dans un réseau
complexe de lacs et de rivières. L'écorce de bouleau était un matériau idéal
pour la construction des canots : l'écorce est légère et, avec le côté
blanc à l'intérieur, sa surface lisse permet un excellent glissement dans
l'eau. L'écorce de bouleau s'est avérée imperméable et résistante. Tous
les matériaux naturels employés pour la construction des canots se
trouvaient près des cours d'eau où l'on naviguait.
La pirogue Payne est une adaptation novatrice d'embarcations traditionnelles.
Jacob Henry et William Alfred Payne de la région de Warsaw (Ontario) ont
construit ce canot vers 1890. Il s'agit d'un canot hybride, construit selon
des lignes et des techniques traditionnelles. Les constructeurs ont suivi la
tradition qui consiste à creuser la pirogue dans un seul tronc de tilleul
d'Amérique et ont adopté le profil traditionnel du canot en écorce de
bouleau. Les lignes de l'embarcation de style algonquin sont associées à la
région dans laquelle elle a été construite. La région de Warsaw (Ontario)
est reconnue pour la richesse de ses traditions de régates de canots.
Dans le canot micmac, la proue et la poupe sont relevées de sorte que les
plats-bords sont relevés vers le haut au milieu. Les Micmacs fabriquaient
leurs canots pour pouvoir naviguer en haute mer ainsi que dans des rivières
et des cours d'eau peu profonds. Les canots en écorce de bouleau étaient
aussi employés à l'occasion dans les rapides.
Le profil de beaucoup des canots de cèdre recouverts de toile s'inspirait,
parfois, de celui de dicette illustration, verses embarcations traditionnelles
comme les canots en écorce de bouleau. Les lignes du canot traditionnel sont
tellement classiques, tellement parfaites qu'elles ont été adoptées pour
les canots modernes.
Ce canot du Nord évoque des images de la vie des « voyageurs » .
À cinquante coups de rame à la minute, soit plus trente mille par jour, le
canot avançait vite sur l'eau. Les « voyageurs » étaient un
groupe éclectique d'aventuriers qui voyageaient en canot pour faire la traite
des fourrures. Ils passaient des heures à s'éreinter, à risquer leur vie
sur la rivière ; c'était une vie pleine de dangers, de fatigues et de
camaraderie débridée. Pendant leurs longs périples, ils mettaient eux aussi
leurs aptitudes de pagayeurs à l'épreuve dans des courses qui faisaient
appel à leur adrénaline et à leur fougue.
Le canot était un outil pour le commerce, et aussi pour des concours athlétiques
de force et d'endurance.
Le canot et le kayak, dans toute leur
diversité, sont des innovations sans précédent des Premières nations du
Canada. Quand on examine les canots et les kayaks traditionnels, on constate
que les lignes originales, tellement précises, ont peu changé au fil des
ans. Les lignes du canot traditionnel sont une union parfaite de la forme et
de la fonction. Ces lignes traditionnelles sont reprises dans beaucoup
d'embarcations modernes. Bien que les matériaux aient changé au fil du
temps, les lignes sont restées les mêmes. Le profil sobre et fonctionnel des
embarcations traditionnelles demeure et leurs qualités techniques sont
reprises dans les embarcations modernes.
Le canot et le kayak traditionnels sont tellement à point qu'on en a adopté
les lignes pour les embarcations des régates modernes. En effet, s'inspirant
du kayak inuit et d'autres types d'embarcations autochtones, des embarcations
spécialisées sont maintenant employées pour des régates organisées en
bonne et due forme partout dans le monde. Ces embarcations, maintenant fabriquées
avec du bois, de la fibre de verre, du kevlar et d'autres matériaux
composites selon les profils traditionnels, sont robustes, rapides et légères.
Enfin, le canot et le kayak constituent
un lien vital dans le patrimoine culturel riche du Canada, un lien entre les
gens et un lien entre le passé et la géographique unique du Canada.