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Héros légendaire suisse (fin du XIIIe s. — début du XIVe
s.) |
Au XIVe siècle, la Suisse dépendait encore du Saint Empire romain germanique. Ce dernier
dépêchait des baillis (des sortes de gouverneur) dans les cantons suisses pour représenter l'autorité
autrichienne des Habsbourgs. A Uri, le bailli se nommait Herman Gessler et n'était pas connu pour
sa grande mansuétude et sa compréhension.
Au treizième siècle, les habitants des Waldstätten étaient sous la protection et la surveillance de
l´empereur allemand qui avait l´habitude d´y envoyer, de temps à autre, son bailli pour passer sentence au peuple et pour percevoir les taxes
impériales. Vers la fin du siècle, les ducs de Habsbourg-Autriche tentèrent de réunir les Waldstätten à leurs domaines.
Lorsque Albert d´Autriche fut élu empereur, il y envoya ses propres baillis autrichiens. Ce fait provoqua la résistance et la
colère des paysans.
C´est dans ces rapports que l´histoire de Guillaume Tell doit être considérée.
Gessler, le bailli autrichien, avait bien envie de savoir ce que le peuple pensait de sa charge. Pour cette
raison, il fit arborer, sur la grande place d´Altdorf, un chapeau au haut d´une perche. Il ordonna que chacun qui passait par là se
découvre pour rendre ainsi hommage à son chapeau.
Un jour, Guillaume Tell de Bürglen, accompagné de son fils Walter, passe devant le chapeau sans le
saluer comme il le faudrait. Tell est arrêté et immédiatement confronté à Gessler. Celui-ci lui demande pourquoi il n´a pas obéi à ses ordres.
La réponse de Tell est assez vague. Gessler n´en est pas content et lui dit: „Tell, tu es un fameux arbalétrier, voici ta
punition: tu abattras une pomme placée sur la tête de ton enfant.“ Le pauvre Tell offre sa propre vie pour éviter à tout
prix de mettre en danger la vie de son fils. Il supplie en vain Gessler de modifier cet ordre terrible. Le bailli féroce décide
que, si Tell refuse ou s´il manque à la première fois, tous les deux, lui et son fils, devront mourir. Tell n´a plus de
choix. Il vise la pomme, et la flèche la frappe droit au centre. La foule rassemblée ne cache pas sa sympathie pour Tell et
applaudit frénétiquement son coup de maître. Cependant, Gessler s´est aperçu
que Tell avait caché une seconde flèche dans son sein. Il lui en demande la raison. Tell répond
évasivement que c´est une coutume des tireurs.Gessler n´en est pas convaincu du tout.
Il promet à Tell d´épargner sa vie, s´il lui dit la vérité. Alors Tell lui dit: „Si j´avais manqué la pomme et
tué mon enfant par la première flèche, avec cette seconde flèche, j´aurais frappé ... vous-même ...“ A
cette réplique téméraire, le bailli donne l´ordre d´emmener Tell dans la prison de son château fort de
Küssnacht; c´est là qu´il végétera pour le reste de sa vie.
Gessler, accompagné de son escorte, s´embarque à Flüelen pour Küssnacht. Mais, peu de temps après,
un orage terrible éclate et la barque est sur le point de sombrer. Les rameurs pâlissent. On dit à Gessler que seul Tell, aussi
expert navigateur qu´adroit arbalétrier, pourrait les sauver. Le bailli fait ôter les fers à Tell et celui-ci se met au
gouvernail. Tell dirige la barque vers le rivage de l´Axen. Lorsqu´il en est assez proche, il saisit son arbalète et s´élance
sur un rocher aplati, tout en repoussant d´un coup de pied la barque dans les ondes agitées.
Tell traverse en toute hâte les montagnes et les collines et se rend à la „Hohle Gasse“ (chemin creux)
près de Küssnacht. Il se place en embuscade et attend le tyran Gessler. Celui-ci, qui vient d´échapper à
la tempête, arrive sur son cheval.Tell le tue par la seconde flèche dont il n´a pas eu besoin à Altdorf.
La nouvelle de l´action héroïque de Guillaume Tell se répand vite dans les
Waldstätten. L´exploit de
Tell confirme le peuple de la région dans sa volonté ferme d´acquérir l´indépendance et la liberté.
Tell a-t-il vraiment existé ? |
A ce point, il faut donc bien nous poser la question : Guillaume Tell a-t-il réellement existé ?
Car son histoire reste entourée de mystère, d'incertitudes. Il faut bien l'admettre: aucun document de
l'époque ne confirme sûrement la réalité du héros. Et nous ne savons que fort peu de choses sur les événements locaux qui se sont déroulés
autour de 1291.Pourtant, tout donne à penser que quelque chose de singulier s'est réellement pro-duit; que quelqu'un
a donné ce signal du refus de l'ingérence étrangère. Quelque chose, quelqu'un dont le souvenir s'est
gravé au plus profond de la mémoire populaire. Guillaume Tell ne peut être né de la pure imagination
de ses concitoyens ou de leurs descendants.
L'histoire a été transmise de bouche à oreille, de génération en génération. Au gré
des conteurs, elle s'est déformée, enrichie de détails, d'épisodes dramatiques. Celui du tir sur la pomme, le plus célèbre,
pourrrait bien n'être qu'un emprunt a une légende scandinave, celle du guerrier
Toko, qu'ont racontée
des voyageurs. Embelli,le récit historique se transforme en légende héroïque.
Entre temps, ce n'est plus un souvenir ni une simple légende, c'est un grand mythe qu'anime
Guillaume Tell. Le mythe rassembleur, fondateur d'une nation. Le mythe de la liberté, du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes.
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