Une autre vision du monde.Raoni porte un labret, plateau de bois inséré
dans sa lèvre inférieure, le signe des hommes prêts à mourir pour leur
terre. C'est un chef qui ne donne jamais d'ordre, il écoute et suggère. Il
ignore ses intérêts personnels, il s'échine à être généreux, calme,
efficace et brave. Son combat ? Préserver son territoire et par suite la
forêt tropicale amazonienne. Longtemps il le fit avec violence, dans la
tradition de son peuple, les Kapayos considérés un moment comme les indiens
les plus dangereux d'Amazonie, massacrant bûcherons, orpailleurs et chercheurs
de caoutchouc. Dans les années 80, lui même a engagé des guerres, lançant
ses compagnons contre des fermes implantées sur son territoire, luttant contre
une nouvelle vague de chercheurs d'or. Chaque fois il y eut des morts. Il a également
pris en otage des fonctionnaires, confisqué des avions Cessna. Puis, au final,
il a décidé de prôner la non-violence.
Au bout du compte, Brasilia et la Funai,
fondation brésilienne pour l'indien, lui ont accordé gain de cause : toute
terre achetée en Amazonie sur laquelle est découverte une tribu devient
automatiquement une réserve et l'acquéreur perd ses droits. Portant, Raoni
veille au grain, il veut créer une fondation, un institut pour l'Amazonie. Il
sait les incendies criminels mais surtout les pistoleros, mercenaires qui
"nettoient" la forêt, engagés pour s'assurer qu'aucun Indien ne
pourra contester la terre à l'acquéreur.
Ce qu'il pense des blancs et de notre
civilisation ? Rien de bon... Il souligne les chiffres d'abord : il
reste à peine 250 000 indiens contre 5 000 000 avant notre arrivée. Il ajoute
que l'homme blanc est étrange, qu'il ne prend pas le temps de rêver, de méditer,
de célébrer la beauté de la Terre. Il lui faut de l'argent, toujours de
l'argent, il court jusqu'à sa mort et sa vie lui passe sous le nez. De la
"civilisation", il ne retient que les médicaments pour soigner les
maladies apportés par les colons, le magnétophone et la vidéo.
Il affirme les qualités de son peuple : à
part la terre, l'indien ne possède rien. Raoni, lui même, en dépit de ses
nombreux voyages de part le monde pour trouver des soutiens, a refusé
d'apprendre à lire et à écrire. Il ne veut être ni un specimen pour
anthropologue ni un noble sauvage, il veut juste être libre d'être ce qu'il
est. Il pense tout à la fois à éduquer ses enfants pour les préparer à
affronter notre monde, à prendre le temps de s'adapter à ce que nous appelons
la civilisation, et, à nous donner à voir la valeur de ses traditions de vie
en harmonie avec la nature, à la respecter ; La nature est comme l'homme :
le sol est sa peau, la forêt ses cheveux, les rivières ses veines.
Il veut en substance nous transmettre son
message. Le Grand Esprit est venu le visiter et lui a dit que la planète va
devenir sèche. Alors Raoni voudrait nous rappeler : nous respirons un seul
air, nous buvons une seule eau, nous vivons sur une seule terre. Aidez-nous
avant qu'il ne soit trop tard. La forêt est mère de la vie. La sauver, c'est
nous sauver nous-même.
Les propos de Raoni sont rapportés par Jean Pierre Dutilleux, cinéaste, écrivain, photographe chez Gamma, et président de
L'associaton Forêt Vierge qui coordonne le projet en France en accord avec les
autorités brésiliennes.
Pour tout renseignement ou don :
ASSO FORET VIERGE, BP 2323, F-75023 PARIS cedex 01. TEl : 01 40 15 61 00